Un fantôme hantait ma
mémoire depuis trop longtemps. Un géant de briques rouges, qui recrachait
continûment son épais filet de fumées noires et blanches… Une couronne
d'éperons rayonnait sur sa tête, comme un halo de flammes sacrées. Sur fond d’azur se découpait ainsi notre soleil d’acier.
Le colosse s'est écroulé un beau
jour d'été 1978, signant dans le vacarme de son implosion, l'acte de décès de
tout un pan de l’économie lorraine, directement liée à la plus industrieuse des
époques qu’ait connu l’exploitation du minerai de fer en Lorraine depuis ses origines.
Je ne le savais pas alors
mais, sur les ruines fumantes du haut-fourneau de l’Usine Raty de Hussigny-Godbrange,
se dressait déjà, parmi les poussières et les regrets, l’ébauche d’une plaque
commémorative gravée par la série de questions ayant motivé mon projet.
Arrivé « trop tard », je ne suis
en effet jamais descendu à la mine. Fils de maçon, je n'ai jamais eu
directement accès à la réalité de notre mémoire vive. Je suis resté au bord
des souvenirs comme on tremble au bord d'un abîme, si bien que les questions
relatives à cet univers mystérieux ont fait long feu en moi. Dès l’abord, le mode interrogatoire était bien tout ce qui était, tout ce qui me resterait. J’étais devenu une sorte de
haut-fourneau, tournant au ralenti. Ce
film est donc une tentative de réappropriation, un balbutiement entre mémoire et
histoire, une tentative de confronter la version spéculative et enfantine du souvenir, au fer rugueux
de l’expérience commune. Ayant choisi le médium idéal, à savoir le film documentaire, tout me conduisait vers la parole des anciens Mineurs, et
par les arcanes de paysage lorrain ourdi de mots et de fers rouillés.
Mais
la chance véritable de ce projet, c’est d’avoir pu épouser la cause et la course de l’Association
Historique et Industrielle de Hussigny-Godbrange (A.H. I), organisatrice de visites
guidées uniques en leur genre dans les anciennes mines... Sans eux, sans la confiance de toute cette équipe d'amateurs volontaires, rien ou
presque, n’eut été possible. C'est notamment grâce au soutient, grâce à la disponibilité comme à l’amitié de M.M Silvio Alleva, Francis Sartini et Bruno
Trombini, que je dois possible la réalisation de ce film qui est aussi le leur.
Ce n'est donc pas par hasard si le titre, le texte comme l'esprit du film s'expriment à la première personne du pluriel ; ultime hommage aux Gueules Jaunes et à tous les membres de La Corporation des Mines de Fer.
Un "Nous" de majesté certes, mais sur l'air chantant de l'Internationale...
A. Giorgetti.